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17 Décembre 2017
Rahul Gandhi, héritier de la dynastie des Nehru-Gandhi, va diriger le parti du Congrès.
Peut-il incarner le renouveau face à Narendra Modi ?
Sa famille, perçue comme des « Kennedy » indiens, lui a offert un avenir hors du commun, mais aussi de terribles tragédies. Rahul a 14 ans quand sa grand-mère Indira Gandhi est assassinée par ses deux gardes du corps. Et il a 21 ans quand son père, l'ex-Premier ministre Rajiv Gandhi, périt dans un attentat kamikaze. Sa mère tente alors d'éloigner Rahul et sa sœur cadette Priyanka des cercles funestes de New Delhi. Sous un faux nom, le jeune homme part étudier à Harvard et à Cambridge, puis il travaille à Londres comme consultant et ne revient au pays qu'en 2002 pour monter une start-up à Mumbai.
Les Gandhi et le Congrès ont absolument besoin l'un de l'autre.
En 2004, il se lance dans l'arène politique. Il décroche la circonscription d'Amethi, un bastion familial acquis de l'Uttar Pradesh. Dans ses rangs, on applaudit et on veut croire au renouveau du jeune sang. Le politicien en herbe bénéficie de « l'effet Gandhi » qui électrise les Indiens. Dans les campagnes, et aujourd'hui encore, il est très respecté et attire les foules. Pour une Inde traditionnelle, endosser un legs familial est perçu comme un gage de crédibilité et de responsabilité familiale.
Rahul Gandhi n'a pas dérogé à la règle, répétant à n'en plus finir qu'il se « sacrifiai[t] » et qu'il faisait son « devoir ». Et à chaque fois qu'un Gandhi se lance en politique, tout se passe comme s'il était le « sauveur » du Congrès. Ce à quoi ses partisans répondent par une gratitude condescendante. L'hérédité politique entretient l'idée que les Nehru-Gandhi ont le monopole du Congrès, mais aussi de son idéologie, issue du socialisme et de valeurs multiconfessionnelles. « Les Gandhi et le Congrès ont absolument besoin l'un de l'autre, estime Gilles Verniers, professeur de sciences politiques à l'université d'Ashoka. Le Congrès, dont l'organisation est très centralisée, est impuissant sans un Gandhi à sa tête. »
Gêné par ses privilèges, Rahul Gandhi a eu du mal à assumer son ascension dorée. Il a souvent comparé le pouvoir à « un poison ». Les autres jeunes leaders du Congrès ont été écartés pour lui laisser la place et ceux qui font carrière émergent parce qu'ils sont à son service. Néanmoins, Rahul Gandhi est allé en politique à reculons, donnant l'image d'un héritier réticent. Ce célibataire a même déclaré qu'il ne se marierait pas afin de ne pas engendrer une nouvelle descendance dynastique... Sans pour autant refuser le legs : sa récente nomination à la présidence du Congrès a des allures de couronnement, les 89 autres candidats ayant tous voté pour lui.
"Rahul Gandhi devrait se retirer de la politique et fonder une famille. Ce serait bien pour lui. Pour l'Inde aussi".(Ramachandra Guha.)
Dès ses débuts, il a tenté d'innover et a cherché à rompre avec la culture bureaucratique de ce vieux dinosaure qu'est le Congrès. Celui que ses troupes surnomment « RG » a voulu remodeler les Jeunesses du parti et a arpenté les villages, promettant « d'être au service de l'homme ordinaire ». Il est crédité de réels efforts à comprendre l'Inde profonde, celle qui lui avait échappé à force de vivre à l'étranger ou sous haute sécurité.
Pour le reste, il peine à convaincre. « Homme sans consistance », avaient jugé à ses débuts les diplomates américains dans leurs échanges, d'après WikiLeaks. Nerveux et timide, l'héritier aux tendres fossettes a longtemps été dénigré par les élites urbaines pour son manque de vision et ses piètres qualités de leader. « Rahul Gandhi devrait se retirer de la politique et fonder une famille. Ce serait bien pour lui. Pour l'Inde aussi », s'est ouvertement moqué l'historien Ramachandra Guha.
Rahul Gandhi est pourtant un homme résolument ouvert et moderne. Ses détracteurs pointent sa naïveté quand ses admirateurs soulignent son honnêteté. D'une gentillesse naturelle dans le cercle privé, il est davantage un homme qui sait écouter qu'imposer. « Il est difficile à cerner, admet Gilles Verniers. En dehors des périodes électorales actives, on ne le sent pas incarner une personnalité politique propre et particulière. Il reste engagé par défaut. »
Dès 2013, son destin s'est scellé par un poste de vice-président du Congrès, aux côtés de sa mère présidente depuis 1998. Sa nomination correspond alors au déclin de son parti, dans une Inde désenchantée par les affaires de corruption qui ont notamment secoué le Congrès. Rahul Gandhi s'est empêtré dans une médiocre campagne lors des législatives de 2014, qui ont sonné la victoire éclatante des nationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi. Et nombre d'élections régionales qu'il a soutenues se sont soldées par des échecs. Aujourd'hui, le Congrès n'est plus à la tête que de deux États importants sur les 29 du pays. Attendus ce lundi, les résultats d'un scrutin au Gujarat, le fief de Narendra Modi, devraient être un indicateur de sa crédibilité après sa campagne décrite comme « dynamique ».
Car, à point nommé et depuis quelques mois, Rahul Gandhi reconstruit son image, avec des discours forts et des attaques virulentes contre Narendra Modi. Il endosse des positions plus claires et certains observateurs y voient l'avènement de sa maturité politique. Un sentiment de déjà-vu... « À chaque élection, on annonce un nouveau Rahul Gandhi », rappelle Gilles Verniers. Ainsi, depuis treize ans, le fils Gandhi ne cesse d'être « enfin prêt ». Et il reste perçu comme « le jeune Rahul Gandhi », alors qu'il a 47 printemps.
Ne pourra-t-il jamais faire le poids face aux nationalistes hindous ? « Rahul Gandhi est le meilleur allié de Narendra Modi », a ironisé cette semaine l'écrivain et journaliste Prem Shankar Jha. Certes, il n'a toujours pas fait ses preuves. Mais aux yeux de ses partisans, il est le seul espoir d'unité nationale et de rempart face au puissant courant de la droite et de l'extrême droite hindoue. « Mais une victoire électorale se remporte aussi en Inde grâce à une énorme organisation de militants capables de mobiliser les électeurs : c'est la force du BJP et le Congrès en est démuni, explique Gilles Verniers. Ce n'est pas tant une bataille idéologique qui est en train de se jouer en Inde. Le vrai changement est dans l'exercice du pouvoir et, pour l'électorat, dans la question des inégalités et de la fracture économique. »
Rahul Gandhi ne peut plus reculer. Il n'a plus que dix-huit mois devant lui s'il veut que le Congrès ait une chance lors des prochaines législatives.