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L'INDE: partagez ma grande passion et promouvoir sa culture. Ma devise: "Tout ce qui n'est pas donné, est perdu". Hasari PAL

Pinklotusinindia

L'AUTRE FACE DE BOLLYWOOD...

Bollywood est dans l'actualité et pour fêter ses 100 ans ,nombreux articles vont arriver,voici de l'autre côté du miroir brillant de Bollywood,les gens qui se battent pour y trouver une place si durement possible...
Le mirage de Bollywood

 

Nidhi Singh et Tarun Singh, deux "comédiens aspirants" à Bombay.

 

 
 
 
 

Bombay, envoyé spécial.

Shilpa Dhar a des faux cils, des bracelets cliquetants et des ongles vernis d'un rouge cerise. Sa chevelure de jais s'entortille autour de son cou au rythme des dodelinements de sa tête. Elle sourit parce que ses amis lui ont dit qu'elle avait un joli sourire, alors elle sourit sans cesse. "J'ai le sourire de Kareena Kapoor", glousse-t-elle.

 

Kareena Kapoor est une superstar du cinéma indien et Shilpa s'imagine déjà en "Kareena". La jeune femme a débarqué à Bombay il y a à peine une semaine de son berceau familial du nord de l'Inde, la tête farcie de rêves de Bollywood. Elle ambitionne de devenir comédienne. Elle sait que "ce sera dur" mais elle a "bon espoir". Tous les matins, elle adresse ses prières aux dieux hindous du temple de son quartier.

Autour d'elle, les murs sont tapissés de photos de moulins à café et de brassées d'arabica. Le café, c'est désormais la classe en Inde. Foin du thé traditionnel, la jeunesse branchée de Bombay craque pour le café. Une guitare sèche calée contre un mur – et surmontée d'une affichette "Play me" ("Jouez-moi") – ajoute à la décontraction du lieu.

                   

BÉATITUDE VERNISSÉE

En ce bar de Versova, quartier de la mégapole où se concentrent les studios de cinéma, les apprentis comédiens viennent tuer le temps entre deux auditions, échanger leurs tuyaux, colporter les derniers cancans et affecter des poses entendues. On les reconnaît d'emblée. Les filles irradient la béatitude vernissée de Shilpa Dhar. Et les gars sont marbrés de biscoteaux.

Entre les tables, ils se déhanchent tous comme Salman Khan, l'un des acteurs cultes du moment, un hypermacho taillé dans le granit qui ne quitte jamais ses Ray-Ban même dans la pénombre. Ici au Bru World café de Versova, la puissance du mythe de Bollywood – dont le centenaire sera célébré en grande pompe au Festival de Cannes – se lit jusqu'à la caricature dans la moindre contenance de cette faune d'émules.

On les appelle les "comédiens aspirants" ("aspiring actors"). Leur trait distinctif, c'est un inoxydable optimisme. Combien sont-ils à affluer chaque semaine de tous les coins d'Inde vers ce temple de la Shining India ("l'Inde brillante"), débarquant ballot sur l'épaule à la gare Chhatrapati Shivaji ? Ils doivent être aujourd'hui des dizaines de milliers à errer dans Bombay en quête de quelques minutes de casting dans l'un des 250 films que produit chaque année Bollywood (le cinéma de langue hindi) sur le millier – l'Inde est la première fabrique de films au monde – lancé sur le marché à l'échelle nationale (incluant le cinéma en langues régionales).

 

"LE REJET EST PERMANENT MAIS JE NE ME LAISSE PAS ABATTRE"

La concurrence est féroce, sans pitié. Au moindre rôle proposé, deux cents candidats feront la queue pour une audition. L'attente peut durer deux ou trois heures, huit heures dans le pire des cas, selon le souvenir de l'un de ces rêveurs éveillés.

L'optimisme, Prakash Sudarshan en est bardé. Il tire une chaise du Bru World Cafe et s'assoit en dépliant sur la table ses biceps et ses avant-bras musclés. Il en faut assurément, de l'optimisme, pour continuer à y croire après dix ans de galère aux portes de studios. Prakash Sudarshan ne se plaint pourtant pas. Cascadeur de formation, cet adepte des arts martiaux double les héros dans les scènes les plus acrobatiques, et cela suffit à le combler en attendant mieux. Un jour, il le sait, il accédera à la pleine lumière.

"Le rejet est permanent mais je ne me laisse pas abattre, confie-t-il. Je n'abandonnerai pas. Je ne m'imagine pas faire autre chose. Je m'estime déjà heureux d'avoir fait ce que j'ai fait. J'ai eu beaucoup de chance." Prakash Sudarshan essuie refus sur refus. Pas grave : il continue, "heureux".

"Ils ont des étoiles dans les yeux, cela brise le coeur de les éconduire", compatit  Nandini Shrikent une directrice de casting indépendante. Mais comment satisfaire le flot grossissant des "aspirants" ? Bollywood fait tourner la tête à une jeunesse indienne de plus en plus décomplexée.

"Le cinéma est le seul milieu où l'on peut accéder au statut de célébrité à un jeune âge, décode Ravi GUPTA, directeur de Whistling Woods, une école de cinéma située au coeur de Film City, enclave au nord de Bombay où se fabrique Bollywood. Vous pouvez réussir dans le monde de l'entreprise mais vous ne serez jamais une véritable star. Bollywood donne l'illusion que la gloire est à portée de la main."

 

SILHOUETTE IRRÉPROCHABLE

En ces temps d'ambitions échevelées, un phénomène nouveau surgit du tréfonds de la société indienne : les parents poussent désormais leurs rejetons à tenter leur chance, alors que Bollywood sentait jusque-là le soufre dans les bonnes familles. "Le cinéma était perçu comme une activité instable et aux moeurs relâchées, peu recommandée aux jeunes filles, précise Shanoo Sharma, directrice de casting pour le producteur Yash Raj Films. Il est maintenant considéré comme une vraie profession où l'on peut gagner beaucoup d'argent."

Une industrie du nouvel âge, en somme, où l'afflux de candidats draine une foultitude d'offres de services annexes : écoles de comédie (boîtes à fric souvent bidon), cours de danse, salons de beauté, cabinets de chirurgie esthétique...

Sans oublier les clubs de gym qui prolifèrent dans le quartier d'Andheri West le bastion des "aspirants". Une silhouette irréprochable est tenue pour un atout décisif, préoccupation qui n'était pas celle des stars de jadis, plutôt grassouillettes.

S'afficher ruisselant de sueur sur un tapis roulant de l'Elixir ou du Waves, établissements emblématiques où on peut croiser des stars consacrées, tient du chic suprême. Sans oublier non plus les escrocs qui s'affairent à exploiter la naïveté de tous ces prétendants. Chacun a une histoire à raconter sur un faux producteur proposant un rôle imaginaire en échange du versement préalable d'une somme sous un fallacieux prétexte.

"Mais grâce à Internet, on peut maintenant facilement identifier les charlatans", se réjouit Prakash Sudarshan le musclé. Les "aspirants" ont ouvert une page Facebook dressant la liste noire des imposteurs.

 

INOXYDABLE OPTIMISME

Et quand bien même l'"aspirant" aura sculpté sa silhouette, blanchi son teint, purifié son hindi de tout accent régional, écarté les aigrefins et enfin arraché une audition, il lui restera à affronter le plus dur : le verrouillage des castings par les réseaux familiaux. Quelques grandes familles dominent Bollywood : les Bachchan, Kapoor, Johar, Chopra, Dutt, Akhtar... A l'image de la culture dynastique si vivace en Inde, la sociologie de Bollywood se résume souvent à des arbres généalogiques.

"Producteurs et réalisateurs tendent à réserver les rôles à ceux de leur famille, grince un comédien préférant s'exprimer sous le sceau de l'anonymat. Il est très difficile pour un intrus de percer." Pour une fille, si l'on n'est pas parrainée par une figure tutélaire du clan, il vaut mieux être une lauréate d'un concours de miss, l'autre voie royale pour décrocher un rôle.

"Selon mon expérience, l'exercice des auditions est souvent de la pure farce, se plaint Tarun SINGH, un "aspirant" qui a abandonné son emploi d'ingénieur informatique pour courir les auditions. Ils ne nous distribuent même pas de script. On a l'impression que tout est déjà décidé à l'avance."

Et pourtant, cet inoxydable optimisme... Combien de fois Nidhi Singh a pleuré le soir sur l'oreiller après une nouvelle journée de déception ? Longs cheveux noirs roulant sur ses épaules nues, paille trempée dans un verre de limonade, la jeune femme raconte qu'elle a souvent été prise de vertige devant les mirages qui l'entourent. "Il est assez facile de se perdre, d'oublier la vraie personne que l'on est pour ne devenir qu'un produit sur un marché cherchant absolument à se vendre."

Le plus dur à subir, précise-t-elle, c'est la rudesse des remarques décochées par les responsables de casting. Morceau choisi : "Vous vous croyez talentueuse, mais le mendiant dans la rue joue aussi très bien la comédie !"

 

COMBINES

Face au rejet quotidien, ajoute Nidhi Singh, chacun se forge des "mécanismes d'autoprotection". Et l'optimisme en béton armé est la meilleure de ces défenses. L'obstacle des dynasties ? Pas insurmontable, clame-t-on. Des stars comme Shahrukh Khan ou Akshay Kumar se sont construits tout seuls, sans piston familial. Et ces années de galère stérile ? Là encore, rien n'est perdu. Irfan Khan, l'un des rares acteurs de Bollywood à avoir percé à l'étranger (il joue le rôle du policier dans Slumdog Millionaire, de Danny Boyle), s'est battu huit ans avant que la chance finisse par lui sourire

Tout est à l'avenant. Les "aspirants" de Bombay ne cessent de se raconter des histoires afin de conserver intact leur espoir. Quand un de leurs amis échoue à une audition, ils relèvent qu'il était mal habillé ce jour-là – précieuse information qui motivera leur propre tenue vestimentaire. "Ils vivent dans un univers parallèle où tout est fondé sur l'illusion", souligne Taran Khan journaliste indépendante ayant enquêté sur ces coulisses de Bollywood.

Le guide du parfait "aspirant" est riche en combines vouées à se rendre important, faussement confiant. Ainsi l'astuce qui consiste, lors d'un entretien avec un professionnel, à se  faire appeller par un ami et lui répondre comme s'il s'agissait d'un producteur en vue. La posture, cette arme suprême du rêveur de Bollywood. Devant les portes fermées des studios, les "aspirants" de Bombay font leur cinéma.

 

 

(Source:lemonde.f,blubbaka.fr)

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